Salle centrale du musée – statue équestre du Maréchal Villars Les piédestaux laissés vides – musée de Valenciennes – novembre 1918 L’histoire du musée De l’Académie au musée : une solidarité primordiale Contrairement à de nombreux musées de région, le musée des Beaux-Arts de Valenciennes n’est pas le fruit de la Révolution. Il faut en chercher les prémices plus avant, dans la création de l’Académie de Peinture et de Sculpture de la Ville. Celle-ci est établie le 9 décembre 1782 à l’initiative d’Alexandre Pujol de Mortry, prévôt de Valenciennes. L’institution valenciennoise, qui jusqu’alors n’était guère plus qu’une école municipale de dessin, se double d’une Académie. Elle est pourvue à ce titre d’un règlement impliquant la présence d’une collection, tant de documents pédagogiques – dessins, gravures, moulages –, de travaux d’élèves, que d’œuvres d’artistes confirmés, offertes à l’institution en préalable à l’agrément puis à la réception dans le corps des académiciens. Le 20 janvier 1798, les biens saisis quelques années plus tôt aux congrégations religieuses et aux émigrés de l’arrondissement, conservés dans un premier temps à l’abbaye d’Hasnon, les y rejoignent. Parmi 660 pièces confisquées, 128 sont sélectionnées pour demeurer dans l’ancien Salon de l’Académie. Ainsi le « musée de la Ville » est-il imaginé avant qu’un arrêté n’institue officiellement sa création le 11 août 1801. Quelques jours plus tard, ses portes ouvrent enfin au public, bien timidement toutefois, à raison de deux heures par mois. La collection de l’Académie constitue aujourd’hui encore le noyau le plus ancien du musée des Beaux-Arts de Valenciennes. À cela s’ajoutent quelque 83 pièces confisquées à la Révolution, qui forment l’un des ensembles les plus remarquables du musée, notamment dans le domaine de la peinture baroque flamande. Ainsi le musée peut-il s’enorgueillir de quatre salles dédiées à l’art, flamand notamment, des XVIe et XVIIe siècles. Une galerie monumentale consacre la grande peinture religieuse anversoise, autour de deux œuvres majeures de Pierre Paul Rubens, Le Martyre de saint Étienne et La Descente de Croix, saisies, respectivement, à l’Abbaye de Saint-Amand-les-Eaux et à l’église Notre-Dame-de-la-Chaussée à Valenciennes. D’autres œuvres proviennent de la plus importante collection d’émigrés du Valenciennois : celle des princes de Croÿ-Solre, dont les biens demeurèrent dans le château familial de Bailleul à Condé jusqu’à la fuite du duc en 1792. Du musée de l’hôtel de Ville au palais des Beaux-Arts Il faut attendre le premier tiers du XIXe siècle pour voir l’histoire du musée se désolidariser enfin de celle de l’Académie de la Ville. La place venant à manquer dans les anciens locaux de l’Académie, décision est prise de transférer les œuvres du musée vers le deuxième étage de la mairie. Le musée de l’hôtel de Ville est inauguré le 1er juillet 1834. En 1839, enfin, paraît le premier catalogue du « musée de peinture et de sculpture de Valenciennes ». Il compte 294 numéros. Les salles de l’hôtel de Ville, toutefois, se révèlent peu adaptées. Malgré l’aménagement d’un éclairage zénithal et l’ajout de deux salles consacrées à la sculpture, l’espace s’avère vite incommode au regard des contraintes de présentation d’une collection allant s’enrichissant, tant de dons que d’achats. En 1882, une donation importante détermine l’ouverture d’un musée Carpeaux, inauguré le 24 septembre de la même année dans trois salles du musée, qui lui sont désormais dédiées. Dès 1888, une commission d’étude pour la construction du musée est créée. Elle choisit un vaste emplacement sur la grande place Verte, le long du rempart qui deviendra, une fois détruit, le boulevard Watteau. Un concours est lancé quelques années plus tard, en 1897, pour la construction d’un bâtiment pouvant abriter le musée, la bibliothèque et les archives de la ville. Réservé aux architectes nés dans l’arrondissement de Valenciennes ou y étant domiciliés depuis plus d’un an, il prévoit dans son règlement « un ou deux salons d’honneur renfermant les plus belles peintures possédées par la ville, entre autres le triptyque de Rubens ». Le projet de Paul Dusart (1865-1933), professeur aux académies de la ville, est retenu. Parallèlement, Jules Pillion est nommé responsable du musée. Tirée le 15 mars 1905, une loterie apporte à la ville un bénéfice suffisant pour couvrir la charge des travaux, lesquels commencent dès le mois de septembre. Inauguré le 27 juin 1909, le musée des Beaux-Arts se dresse derrière la place Verte, dominant de sa silhouette monumentale les arbres et les maisons bourgeoises du boulevard Watteau. Le quadrilatère aux façades de calcaire et de briques roses s’élève sur deux niveaux, que couronne une verrière moderniste en forme de dôme. À l’étage noble, petits cabinets et vastes galeries se déploient symétriquement autour d’un grand hall de sculpture. Partout, la lumière naturelle pénètre généreusement, tantôt par les larges baies des salles situées en façades avant et arrière, tantôt au travers des verrières zénithales. Ainsi le nouveau palais des Beaux-Arts vient-il consacrer avec éclat la modernité de la ville, dans un esprit qui n’est pas sans rappeler le musée du Petit Palais construit à Paris en 1900. La décoration extérieure est réalisée par les Valenciennois Henri Prévost, Alexandre Fournier, Jules Henri Brocheton et Edmond Lemaire, tandis que le plafond du vestibule du musée recevra, en 1922, un décor peint par Lucien Jonas (1880-1947). Lucien Brasseur (1878-1960), enfin, livrera onze plus tard les statues de La Pensée et de L’Inspiration lyrique, qui brillent encore de l’éclat de leur dorure dans les niches creusées de part et d’autre du portail principal. Les heurts et renaissances L’essor du nouveau palais des Beaux-Arts est interrompu par la Grande Guerre. À la fin de l’année 1916, les forces allemandes choisissent l’institution valenciennoise comme dépôt central : la municipalité se voit chargée de la préservation d’œuvres venues de Lille, Cambrai, Douai, mais également de châteaux et d’églises proches de la ligne de feu. Ce n’est qu’au mois de juin 1920, une fois ses verrières réparées, que le musée ouvre de nouveau ses portes au public. Adolphe Lefrancq, amateur érudit, conservateur de 1922 à 1943, redonne vie à l’institution en organisant de grandes expositions temporaires, la plus notable étant celle qui consacre le centenaire de la naissance de Jean-Baptiste Carpeaux en 1927. L’impulsion est donnée ; le fonds Carpeaux du musée de Valenciennes ne cessera plus de s’enrichir. Les conséquences de la Seconde Guerre mondiale sont tout autres pour la vie artistique valenciennoise. Les pièces exposées au musée de l’hôtel de ville, restées sur place, disparaissent dans un incendie en mai 1940. Au lendemain de la guerre, le musée de Valenciennes est sélectionné pour faire partie des 32 musées classés, dotés à ce titre d’un conservateur professionnel nommé par l’État. Dans les années 1960, pourtant, le musée est bien loin de sa splendeur d’antan. La rotonde centrale dédiée à la sculpture demeure fermée au public à partir de 1968, jusqu’à ce que la municipalité décide d’importants travaux de rénovation et de modernisation du bâtiment, menés de 1991 à 1995. Le projet de Christian Germanaz et Jean Copin, qui s’attache à mettre en valeur l’architecture existante, est retenu. L’enceinte extérieure du musée reste intacte, tandis que la surface utile intérieure est doublée, le réaménagement du niveau inférieur permettant d’accueillir des espaces de bureaux et de réserves, un auditorium de près de 100 places et des ateliers pédagogiques. Depuis sa rénovation de 1995, le musée des Beaux-Arts de Valenciennes développe une politique culturelle généreuse, en faveur des visiteurs les plus jeunes (accueil d’une halte-garderie, ateliers hebdomadaires pour les enfants dès 3 ans) et les plus fragiles (parcours tactile pour les non-voyants, audioguides pourvus de boucles pour les malentendants). Labellisé Musée de France en 2002, le musée propose chaque année de prestigieuses expositions temporaires. Quand certaines manifestations mettent en lumière l’histoire du musée et de la ville, d’autres explorent le grand siècle de la peinture flamande, fleuron des collections, ou les figures tutélaires que sont Antoine Watteau et Jean-Baptiste Carpeaux, sans omettre une exigeante ouverture sur d’autres cultures, comme sur la création contemporaine. Un important travail de rénovation a enfin été réalisé de 2014 à 2015 par la Ville de Valenciennes, avec pour but d’offrir de meilleurs conditions de conservation aux œuvres, de nouvelles couleurs aux salles, et une nouvelle lecture à l’œuvre de Carpeaux, désormais dans une place élégante aux ton gris « pierre de lune ». Ici plus qu’ailleurs, où le musée est né de la volonté de la Ville de convier, de former et d’accompagner les artistes, la conviction que l’art est lié au vivant reste forte. Chaque jour, les œuvres réaffirment que ce qui s’enracine en elle est le récit de l’aventure humaine.