Le Martyre de Saint Etienne Pierre Paul RubensSiegen, 1577 – Anvers, 1640 Huile sur boisPanneau central : H. 4,37 ; L. 2,78Volet gauche : H. 4,01 ; L. 1,26Volet droit : H. 4,00 ; L. 1,26Provenance : Saisie révolutionnaire(abbaye de Saint-Amand)Inv. P. 46.1.10 Cette oeuvre magistrale, unique dans les musées français, a été exécutée par Rubens pour le maître-autel de la riche abbaye bénédictine de Saint-Amand, voisine de Valenciennes. En l’absence d’archives, ce triptyque est daté par analogies stylistiques des années 1616-1617. Cet ensemble imposant présente quatre compositions autonomes, si l’on compte l’Annonciation qui apparaît au revers des volets mobiles. Il est dédié au diacre Étienne, premier martyr chrétien, lapidé par les juifs. La grande composition centrale capte d’abord toute l’attention. Nous assistons au martyre du saint. Celui-ci, isolé, semble emporté dans un mouvement tourbillonnant marqué par les attitudes successives des bourreaux que notre oeil relie les unes aux autres, créant ainsi l’illusion du mouvement. Les regards convulsés des auteurs de cette action sauvage se heurtent à l’expression extatique de saint Étienne, qui entrevoit le ciel, où trônent le Père et le Fils, selon la description biblique des Actes des Apôtres. Le volet de gauche, tout aussi monumental mais plus statique, figure la prédication du saint. Les prêtres de l’ancienne loi, dont la masse imposante est prolongée jusqu’au sommet de la composition par des colonnes, s’opposent au jeune diacre, qui désigne le temple de la vraie religion. Le second volet est consacré à l’ensevelissement d’Étienne. La vigueur de la mise en scène, la violence des couleurs, le réalisme de la peinture du cadavre et la présence des femmes font inévitablement référence aux nombreuses Mise au tombeau que Rubens peignit. Fermé, le triptyque se pare alors de la grâce et de l’élégance des plus séduisantes Annonciation. Ces deux panneaux témoignent de l’évident plaisir de peindre du grand maître anversois, et les angelots qui volettent autour de l’ange Gabriel n’ont assurément pas manqué de fasciner le jeune Carpeaux. Quel autre chef-d’oeuvre pourrait nous persuader que Rubens est un irrésistible peintre et qu’il fut l’un des meilleurs chantres de la Contre-Réforme ? Son objectif n’était-il pas atteint lorsque Jacob Nicolas Moreau, un voyageur du temps de Louis XV, écrivit : « je crus voir les cieux ouverts, tant je fus frappé de la beauté du coloris et de la fraîcheur de cette admirable peinture ».